Article – L’aviation hydrogène : scénario crédible ou irréaliste ?

Les investissements dans l’hydrogène se multiplient : 9mds€ en Allemagne pour accélérer la production hydrogène d’ici à 2040, 1,5mds€ en France pour livrer un prototype d’avion propulsé à l’hydrogène entre 2026 et 2028, 12mds£au Royaume-Uni pour construire un champ d’éoliennes d’une capacité de 4GW servant à la production d’hydrogène…

En résumé, l’hydrogène c’est tendance, et en particulier dans l’aviation civile où la promesse d’une aviation décarbonée en 2035 attire tous les regards. Mais, quels sont les défis à relever pour atteindre cet objectif ?

Reconcevoir et certifier les avions

Un avion propulsé à l’hydrogène requiert une refonte complète du design : nouveau fuselage, modification des moteurs, intégration de réservoirs cylindriques pour stocker l’hydrogène liquide et donc un nouveau process de certification qu’il reste encore à inventer.

Concilier zéro émissions, viabilité économique et capacité de production

On distingue 3 types d’hydrogène, classifiés en fonction de leur méthode de production :

  • L’hydrogène « Gris » : produit à partir d’énergies fossiles. Plus polluant et plus cher que le kérosène, l’hydrogène gris n’a pas d’intérêt particulier dans ce contexte.
  • L’hydrogène « Bleu » : produit grâce à la captation de carbone ou/et d’énergie nucléaire. Environ 3 fois moins polluant que le kérozène, on estime que son utilisation augmenterait le prix du billet d’avion d’environ 10%.
  • L’hydrogène « Vert » : produit par électrolyse, on estime son impact carbone 6 fois inférieur à celui du kérozène mais son impact financier sur le prix du billet est d’environ +20%.

Quel mix énergétique ?

La production d’hydrogène par électrolyse requiert une quantité importante d’électricité. Cela nécessite de nouvelles capacités de production, idéalement renouvelables. Pour illustrer l’ampleur de ce défi nous avons simulé le nombre d’éoliennes ou de réacteurs EPR que cette surcapacité représente pour alimenter deux aéroports majeurs :

En résumé, concilier hydrogène vert, viabilité économique et capacité de production semble aujourd’hui utopique à moins d’avancées majeures dans la production d’énergie.

Réinventer la supply chain

L’objectif d’une aviation décarbonée d’ici à 2035 soulève un autre défi de taille : 40 000 aéroports doivent subir une refonte majeure de leurs infrastructures tout en conservant une double capacité pendant une période de transition de 30 ans.

Au-delà de ce défi, la plupart des acteurs des énergies doivent revoir leur positionnement le long de la chaine de valeur. A ce stade, Total et Air Liquide se positionnent sur les stations de service Hydrogène pour véhicules légers. Début 2020 il n’en existe que 1200 au monde et cela 18 ans après l’introduction des premières voitures à hydrogène…

  • L’avion H2 a prouvé sa faisabilité, mais il faut prévoir une longue phase de développement et de certification
  • L’aviation zéro carbone est techniquement réalisable avec l’H2. Aujourd’hui, sa production est surtout « grise » et donc plus polluante que la combustion du kérosène
  • Dans l’immédiat, l’accent devrait être mis sur les infrastructures et l’approvisionnement. Un avion H2 sans capacité de ravitaillement est inutile
  • L’H2 pour l’aviation bénéficiera d’un effet d’échelle car de nombreuses régions et industries investissent massivement
  • L’augmentation de la production sera un défi de taille car une grande quantité d’énergie électrique sera nécessaire pour produire de l’hydrogène : le scénario où 100% de l’aviation serait convertie à l’hydrogène nécessiterait 35 % de la capacité mondiale actuelle de production d’électricité
  • Les e-carburants pourraient jouer un rôle à court et moyen terme, en particulier pour la flotte existante, malgré des coûts de production importants

Des résultats tangibles à chaque mission