Santé : optimiser les budgets de développement, un enjeu majeur pour les fabricants

La pression sur les prix des équipements médicaux est plus forte que jamais, tirée par les nouvelles pratiques d’achat des établissements de santé et par une concurrence féroce.

Cette pression sur les prix vient éroder les marges des fabricants, jusqu’à 6 points entre 2014 et 2020. Ces derniers réagissent alors sur deux axes : les business models et la réduction des coûts. Les nouveaux business models visent des positionnements et politiques de pricing différenciants, à même de capter des revenus récurrents de service en particulier grâce à la donnée et à l’intelligence artificielle.
D’excitantes perspectives qui mobilisent toute l’attention des stratèges et analystes du secteur.

Mais qu’en est-il de l’autre côté du spectre et des programmes de réduction des coûts ?

De nombreuses initiatives sont lancées chez les fabricants pour réduire les coûts de production : design-to-cost, coûts d’achats, lean manufacturing et autres. Mais est-ce bien suffisant pour retrouver des niveaux de marge suffisants ?
La maîtrise des projets de développements est un sujet moins fréquemment traité mais ô combien important, puisque leurs coûts peuvent représentent de 30% à 50% des coûts globaux du programme d’équipement (le Life Cycle Cost ou LCC qui représente l’ensemble des coûts de conception, fabrication et maintenance d’un équipement) et que le time-to-market est un facteur de compétitivité prépondérant.

Les enjeux d’une bonne maîtrise des programmes de développements dans le secteur de l’équipement médical sont significatifs : les coûts non récurrents représentent une part importante du LLC et le time-to-market est de plus en plus stratégique dans un environnement compétitif.

Les coûts de développement, dits « coûts non récurrents » ou « NRC » représentent en effet entre 30M$ et 90M$ en moyenne selon la classe de l’équipement . Cela équivaut à 30 à 50% des coûts engagés pour développer et produire un nouvel équipement médical.


Les montants engagés ainsi que les ratios sont proches de ceux de l’aéronautique (cf. figure 1), à l’inverse de l’univers de la grande consommation qui est bien moins capitalistique. Développer un équipement médical prend de 3 à 7 ans pour passer du concept à la mise sur le marché. Le time-to-market est un paramètre clé sur des programmes aussi longs, pour des raisons stratégiques et financières. Stratégiques, car chaque mois perdu sur la concurrence est un risque de recul sur un marché dont le taux de renouvellement est très faible. Financières, car toute dérive a un impact sur le cash-flow de l’entreprise en engageant des dépenses supplémentaires et en retardant les revenus

Dès lors, on peut s’étonner de deux constats historiques du secteur. D’abord, il semble que l’attention et les efforts portés au bon dimensionnement et à l’optimisation des coûts de développement soient fréquemment moindres que ceux dédiés à l’optimisation du coût récurrent des produits. Ensuite, on observe de nombreuses dérives de budget ou de planning de développement, mettant en exergue un manque de maîtrise dans l’exécution.

Les enjeux sont tels toutefois que de nombreux industriels lancent des initiatives visant à rendre leurs programmes plus compétitifs. Quels sont les facteurs clés de succès ? D’après notre expérience, ils passent justement à la fois par un bon dimensionnement en amont et par la sécurisation de la phase d’exécution.

Par bon dimensionnement, on entend maîtriser deux paramètres : une stratégie de développement optimisée et une estimation réaliste, au plus juste.

L’optimisation d’une stratégie de développement s’appuie sur trois leviers : la technologie, la validation
et la certification, l’organisation.

  1. Le premier levier est technologique.
    Il s’agit d’abord de réaliser une analyse de la valeur tant sur le hardware que sur le software – source fréquente d’estimations opaques et de dérives – pour ne développer que le juste nécessaire. Des conceptions de type platforming permettent une mise sur le marché à moindre coût avant de développer des options ou upgrades plus tard. La réutilisation de sous-ensembles techniques déjà développés, ou le développement en transverse de modules qui seront utilisés sur plusieurs produits est également un axe clé pour réduire à la fois les budgets, les plannings et les risques du programme. Nous y reviendrons.
  2. Le deuxième levier concerne les phases de validation et de certification.
    On peut citer le périmètre et le nombre de prototypes, dont la numérisation montre son efficacité mais rencontre encore des freins culturels dans les organisations. Définir une stratégie de test au juste nécessaire est également un investissement rentable : de nombreux protocoles sont en effet basés sur des historiques d’entreprise plus que sur des besoins normatifs et le périmètre des fonctions à tester doit être évalué de manière à minimiser le rework.
  3. Le troisième levier est organisationnel et très fortement lié au time-to-market.
    Chaque mois gagné sur un planning est un mois de gagné sur les ressources de management de projet : chef de projet, qualité, achats, finance, etc. Des arbitrages sur les ressources opérationnelles pour gagner en rapidité peuvent donc trouver leur rentabilité sur ces frais généraux.

L’objectif n’est cependant pas d’obtenir le chiffre le plus bas dans un tableur, l’estimation doit être aussi réaliste et au plus juste. Qu’entend-on par cela ? L’estimation au plus juste des budgets en amont d’un projet constitue un enjeu de compétitivité majeur, car un budget mal estimé ou insincère porte en son sein les germes des dépassements à venir .
Cette estimation au plus juste est permise par des outils qui rendent visibles les différentes étapes et activités de développement pour en valider la cohérence et la justesse. Les méthodes de Value Stream Mapping issues du Lean Manufacturing notamment ont prouvé leur efficacité à cet égard. Frank Freiman a modélisé les impacts d’une mauvaise estimation en amont du budget d’un projet, à la hausse comme à la baisse. La courbe qui porte son nom (figure 2) illustre que :

  • Lorsque les coûts sont sous-estimés, les plans initiaux de fabrication, de planification se révèlent irréalisables. Le coût réel explose alors, car le projet doit être réorienté, ce qui se traduit par des travaux supplémentaires non prévus, des réorganisations et l’ajout de ressources additionnelles.
  • La surestimation des coûts présente quant à elle un caractère auto-réalisateur, qui conduit à du gaspillage.

Des résultats tangibles à chaque mission